PLANETE REBELLE

Dans le vaisseau, le silence était étouffant. Les heures précédentes avaient été intenses en émotions. Lotpak et Rusky étaient perdus dans leurs pensées, tandis que Kiro s'était lové sur les genoux de Rusky, sa queue entourée sur l'avant-bras de celle-ci, ses yeux rivés derrière le siège. La conscience d'Arold avait réintégré le vaisseau et était en train de compléter la base de données des informations récupérées sur Terre. La Xphère récupérée non loin des pyramides trônait derrière les sièges, en lévitation à quelques centimètres au-dessus d'un socle, sa couleur bleue pulsait délicatement.

Lotpak sortit de son mutisme et prit la parole :

-« Comment te sens-tu, Rusky ? Je n'ai pas pris le temps de te le demander... Tu as été impressionnante tout à l'heure, et Kiro aussi. Je ne voudrais plus être en face de lui quand il est énervé. »

-« Je vais bien, je n'ai pas ressenti de peur, mais plutôt de l'excitation lors du combat. Le lien que j'ai avec Kiro me transforme dans ces moments. Il est à la fois un petit être adorable comme maintenant et une arme redoutable quand il se transforme. »

-« Je vois qu'il regarde la Xphère intensément. Il semble être en osmose avec elle. Regardez sa couleur changer légèrement au rythme de celle-ci. »

-« Oui, je le sens. Il y a une connexion entre eux. Ce n'est pas la même chose que notre lien, mais c'est quelque chose d'autre... »

-« Très bien, il faudra approfondir cette question », répondit Lotpak.

-« Arold, peux-tu m'expliquer ce qui s'est passé avec les armes des Sapiks ? »

-« Lors de notre escale sur Wyldrin, je me suis fait faire une cure de jouvence. J'ai mis à jour les logiciels de contrôle du vaisseau, j'ai demandé aussi aux droïdes mécaniciens de modifier la structure du droïde qui me sert lors de nos sorties à l'extérieur et d'y apporter quelques améliorations. Puis j'ai piraté quelques données que d'autres Shadow avaient récoltées sur les armes Sapik et j'ai tout de suite trouvé ce qui pourrait me servir au cas où nous en rencontrions certains... Je n'étais pas sûr de moi, mais la probabilité pour que ça marche était de 98 %. »

-« Je suis content de ne pas être tombé sur les 2 % qui auraient pu me coûter la vie », souffla Lotpak.

-« Sans moi, tu n'aurais pas survécu. Je t'ai sauvé, mon ami », rétorqua Arold.

-« ...Oui, tu as raison, et je t'en remercie », répondit Lotpak.

-« Bon, il faut que l'on avance. Arold, intègre dans la base de données du KUG ce que nous avons trouvé sur Terre. Ne mentionne pas la Xphère, ainsi que sur le dispositif que j'ai récupéré sur le commandant Sapik.

-« Arold, j'ai entendu parler d'une planète rebelle. Elle ne fait pas partie de la coalition KUG. Il n'y a pas de gouvernement à proprement parler, juste des factions qui se battent entre elles pour un petit bout de territoire... Peux-tu regarder dans les rapports des Shadows si tu trouves sa localisation ? Avec un peu de chance, on en apprendra plus sur le dispositif que j'ai récupéré », demanda Lotpak à Arold dans le cockpit.

Arold commença alors à faire défiler des hologrammes à toute vitesse dans le cockpit. Quelques instants plus tard, une planète apparut devant leurs yeux. Elle tournait lentement, montrant deux continents de taille moyenne posés sur ce qu'il semblait être une vaste étendue d'eau.

Lorsque la planète se matérialisa devant les quatre amis, Kiro leva la tête et sa couleur devint rouge.

-« A-t-elle un nom, Arold ? », demanda-t-il.

-« Oui, elle s'appelle Altéria. C'est l'une des trois lunes d'une planète gazeuse, les deux autres lunes sont inhabitées », répondit Arold.

-« Programme les coordonnées d'Altéria, nous partons nous renseigner ! », s'exclama Lotpak.

Durant les deux jours de trajet, les discussions et les interrogations s'enchaînèrent. La possibilité de trouver des réponses devenait de plus en plus probable. Il se trouvait qu'un groupe de contrebandiers trafiquant toutes sortes de choses provenant de différentes planètes de la galaxie était installé sur Altéria, selon les renseignements des Shadows.

À peine arrivés en orbite d'Altéria, deux vaisseaux de taille différente leur barraient la route. Le plus proche devait faire le double de leur vaisseau, tandis que le deuxième était nettement plus grand. Ils n'étaient pas d'une technologie comparable à celle de Lotpak, mais qui sait ce qu'ils pouvaient réserver comme surprise ? Il fallait rester prudent.

Arold prévint Lotpak qu'une communication radio entrante était en attente.

-« Ils ne devraient pas être agressifs, mais soyons sur nos gardes », prévint Arold.

-« Ici le commandant Lotpak, membre du KUG. Nous sommes venus en paix et ne voulons pas d'ennuis », déclara Lotpak.

-« Nous ne faisons pas partie de la coalition du KUG. Vous n'avez aucune autorité ici, vous êtes hors de votre juridiction. Vous devez partir ! », rétorqua l'interlocuteur.

-« Nous ne sommes pas ici sous l'autorité du KUG. Nous voulons juste des renseignements à propos d'un objet SAPIK », expliqua Lotpak.

Un silence d'une trentaine de secondes coupa la conversation.

-« Avez-vous cet objet avec vous ? », demanda l'interlocuteur.

-« Possible... », répondit Lotpak.

-« Nous allons vous escorter vers notre Quartier Général », conclut l'interlocuteur.

Le survol du continent était une expérience enivrante, les hublots offrant une vue époustouflante sur une végétation luxuriante. Cependant, à mesure que leur vaisseau progressait, le paysage changeait drastiquement pour se transformer en un désert aride, où le sable et les roches dominaient l'horizon. Des montagnes majestueuses se découpaient à l'horizon, tandis qu'une ville se dressait humblement à leurs pieds.

Quelques minutes plus tard, un terrain d'atterrissage surgit devant eux, abritant une multitude de vaisseaux de toutes tailles soigneusement rangés. Le vaisseau mère, le plus imposant de tous, avait quitté la formation bien avant, laissant seulement les deux plus petits vaisseaux se poser sur le sol rocailleux avec grâce et précision.

-« Nous devons sortir sans armes. Notre but est de recueillir des informations, pas de déclencher un nouveau conflit. Le dispositif restera à l'abri à l'intérieur du vaisseau », déclara Lotpak d'une voix déterminée.

Arold, Rusky, Kiro et Lotpak émergèrent du vaisseau, où les attendaient trois individus, tels des émissaires de l'inconnu.

-« Suivez-nous, nous allons vous conduire auprès de notre chef », annoncèrent-ils d'une voix teintée de mystère.

La ville s'étendait à perte de vue, avec ses bâtiments modestes et ses rues bondées de monde. Les différentes places regorgeaient d'individus, cherchant désespérément la perle rare parmi les objets éparpillés sur le sol. Les discussions animées résonnaient en écho, s'élevant à mesure que les négociations devenaient plus tendues. Pourtant, les quatre amis semblaient invisibles dans cette foule, passant inaperçus aux yeux des autres, ignorés comme des ombres parmi les vivants.

Après plusieurs minutes de marche dans les rues de la ville, une maison apparut devant eux, beaucoup plus cossue que les bâtiments précédents. Deux gardes en surveillaient l'entrée, mais ils ne bougèrent pas lorsqu'ils virent les trois personnes qui les accompagnaient. Les amis franchirent la porte et une douce odeur de fleurs emplit l'air. Un grand jardin intérieur luxuriant s'étendait devant eux, avec en son centre une fontaine dont le bruit de l'eau rappelait celui d'une cascade dans la jungle.

Ils traversèrent le jardin en suivant une allée, fascinés par la beauté de l'endroit. Kiro semblait particulièrement heureux, sautillant autour de Rusky tout en reniflant chaque fleur sur son passage. Mais leur attention fut bientôt détournée par une nouvelle porte, massive et imposante, qui se dressait devant eux. Elle semblait donner accès à un endroit important, un lieu où les secrets étaient gardés à l'abri des curieux. Les amis échangèrent un regard, avant de pousser la porte pour découvrir ce qui se cachait derrière.

Dans cette nouvelle pièce, une dizaine de personnes discutaient autour d'une table. Au bout de celle-ci, une personne assise restait silencieuse. L'entrée des quatre compagnons suscita l'attention de tous, et le silence s'installa. L'homme assis se leva et s'approcha du petit groupe sans dire un mot, commençant à leur tourner autour. Il était de petite taille, ses cheveux bicolores et son apparence excentrique lui conférant un air mystérieux. Après avoir minutieusement examiné ses visiteurs, il retourna s'asseoir.

-« Pourquoi un membre du KUG est-il venu sur Alteria ? » demanda-t-il.

-« Je suis le commandant Lotpak... »

-« Oui, je sais qui tu es ! Mes hommes m'en ont informé. Sinon, tu ne serais pas dans ma demeure », l'interrompit l'homme mystérieux.

-« Nous recherchons des informations sur un objet Sapik », continua Lotpak.

À l'évocation du mot "Sapik", les dix personnes présentes autour de la table commencèrent à murmurer entre elles.

Le petit homme tapa du poing sur la table. « Assez ! » et le silence revint dans la pièce.

-« Nous avons eu une altercation avec un escadron Sapik sur une autre planète et nous avons récupéré un dispositif inconnu. »

-« Qui t'a dit que je pourrais t'aider ? » demanda l'homme mystérieux.

« Il y a un groupe au sein du KUG qui est en quête d'informations pour vaincre l'Empire Sapik, et j'en fais partie. Dans nos rapports, le nom de cette lune a été mentionné comme étant un endroit où l'on peut trouver beaucoup de choses. »

-« Tiens donc ? Et tu crois que tu pourras obtenir ce que tu cherches sans contrepartie ? Nous avons un réseau qui peut te trouver ce que tu souhaites, mais tout a un prix. »

Les yeux de l'homme mystérieux se posèrent sur Rusky, et un sourire énigmatique se dessina sur son visage.

-« Si les informations que tu nous donnes en valent le prix, tu seras payé. »

-« J'ai déjà un prix en tête... » Répliqua l'homme mystérieux avec un sourire en coin.

Il se leva de son siège pour s'approcher du petit groupe, et ses compagnons se levèrent comme un seul homme. La tension dans la pièce était palpable. Kiro changea de couleur pour devenir rouge et se plaça devant Rusky. Mais le petit homme ne remarqua pas le petit animal, et en un clin d'œil, Kiro se transforma en une créature effrayante. La terreur remplaça aussitôt la tension, et tout le groupe courut se réfugier sous la table en jetant des regards effrayés vers Kiro.

Rusky se plaça au côté de Kiro pour le calmer.

-« Tout doux, mon joli », murmura-t-elle.

Lotpak prit la parole, tentant de rassurer ses interlocuteurs :

-« Nous ne vous voulons aucun mal. Nous voulons juste quelques informations. »

Des voix à peine audibles provenant de dessous la table se firent entendre :

-« Ce n’est pas possible… Ce n’est pas possible ! Il ne peut pas être ici ! C’est impossible ! »

-« Mais de quoi parlez-vous ? », demanda Rusky.

-« C’est un Alexor... Un protecteur, une bête mythique qui n’existe que dans les récits anciens. Il ne devrait pas être là, personne n’en a jamais croisé. Ils étaient au nombre de trois, protecteurs d’une vieille civilisation qui n’est plus. Il y a des millénaires que les Arkyos ont disparu, anéantis par l’Empire Sapik. Il est dit que ces trois protecteurs avaient des pouvoirs extraordinaires. Ils pouvaient se régénérer rapidement après un combat, se transformer en monstres sanguinaires et étaient d'une férocité redoutable au combat. Si vous en croisiez un et que vous n'étiez pas du bon côté, ils étaient impitoyable. Et je ne connais pas tout à leur sujet… »

-« N’ayez pas peur, Kiro ne vous fera pas de mal si vous restez amicaux. Il fait partie de notre groupe et est devenu le protecteur de Rusky », rassura Lotpak.

Le groupe sortit de dessous la table mais resta à distance, la crainte se lisant sur leurs visages et leurs yeux fixant Kiro avec appréhension.

-« Pouvons-nous discuter maintenant ? Quel est votre nom, pour que je sache à qui je m’adresse ? », demanda Lotpak.

-« Je m’appelle Plima. Montrez-moi votre objet et je vous dirai ce que je sais », répondit-il.

-« Arold, montre-leur », dit Lotpak.

Arold projeta sur la table une parfaite reproduction du dispositif récupéré sur le commandant Sapik.

-« Je sais ce que c’est… c’est un détecteur », dit Plima.

-« Un détecteur de quoi ? », demanda Rusky.

-« Il peut localiser une Xphère lorsqu'il s'en approche suffisamment près. »

-« Près comment ? »

« Je ne sais pas. J’ai eu un de ces dispositifs entre les mains une fois, mais un collectionneur m’en a donné un bon prix. Je n’ai pas pu le tester, et ça serait une perte de temps de parcourir la galaxie pour trouver une de ces merveilles », répondit Plima.

-« Très bien, quel est ton prix ? », demanda Lotpak.

Plima allait ouvrir la bouche quand Kiro fit un pas en avant dans leur direction, faisant reculer tout le groupe.

-« Ce n’est pas grand-chose, ma première information est gratuite… »

-« Je te remercie, Plima. Nous pourrions repasser à l’occasion », dit Lotpak.

Les visages du groupe ne reflétaient pas le même enthousiasme que celui de Lotpak, et cela le réjouit intérieurement.

En se retournant pour partir, Rusky vit une porte ouverte sur sa droite et distingua plusieurs objets métalliques.

-« Qu’est-ce que c’est ? », demanda-t-elle.

-« Ce sont nos armures, ma beauté », répondit Plima avec un sourire.

Kiro avança encore d’un pas, faisant reculer le groupe jusqu’au mur du fond. Le sourire de Plima disparut instantanément.

-« Je m’appelle Rusky, petit homme ! »

Les quatre compagnons sortirent de la maison. Kiro avait repris sa forme initiale, et ils repartirent vers leur vaisseau en profitant des attroupements qui animaient les rues. Ce moment de détente était le bienvenue et en profitèrent au maximum. Cette rencontre avait été très instructive. Plima et son réseau représentaient une mine d'informations et de possibilités, une ressource précieuse qui promettait de les aider dans leurs quêtes à venir.